« II n’est pas sûr que les inventions du miroir et du portrait nous aient rendu service pour finir. Elles pourraient même avoir ouvert la boîte de Pandore a en croire ceux qui, de LA ROCHEFOUCAULD à FREUD et de Benjamin CONSTANT à CIORAN, s’attachèrent a démasquer nos prétentions. Ce besoin de comprendre n’est peut-être qu’une forme terminale de névrose : nous étions plus faciles à satisfaire quand nous étions des animaux comme les autres  [ … ] Si les bêtes ne connaissent pas I’angoisse, juste la peur, c’est qu’elles ne s’analysent pas, qu’elles s’offrent sans réserve au monde. Il va nous falloir des millénaires avant de réapprendre à le faire ». C’est par ces lignes que Claude ARNAUD clôt son imposante anthologie du portrait dans la littérature, écrit Jean-Pierre CESCOSSE dans  « Zone Franche« , sa chronique abritée par la Nouvelle Quinzaine Littéraire no 1186, datée du 16 janvier 2018, en recensant PORTRAITS CRACHES, Un trésor littéraire de Montaigne a Houellebecq, Bouquins/Robert Laffont 2017. On y retrouve avec plaisir l’essayiste vif et subtil de CHAMFORT (Laffont, 1988) et PROUST CONTRE COCTEAU (Grasset, 2013). Ses commentaires et présentations nous éclairent, restituent habilement les contextes et les époques, sans nous écraser sous l’érudition. J’ignore toutefois si nous avons jamais été des bêtes « comme les autres » et (…) s’il est vrai que les animaux n’éprouvent pas d’angoisse et jusqu’à quel point nous sommes fondés a affirmer, sans anthropomorphisme (pouvons-nous jamais en sortir ?), qu’ils ne « s’analysent » pas. Mais cela ne m’empêche pas de partager la stimulante perplexité qui s’exprime ici. Je me permets d’y ajouter une question : quand nous aurons réappris a nous offrir « sans réserve au monde », éprouverons-nous le besoin de faire le portrait de notre état sauvage flambant neuf ? La conscience humaine peut-elle cesser de se fasciner elle-même? N’est-ce pas là son mode d’être, ce qui lui est propre? Rendez-vous dans quelques millénaires. En attendant d’avoir recouvré la « virginité » que Claude ARNAUD, non sans une légère touche d’humour mélancolique, semble appeler de ses vœux, nous resterons confrontés à nos démons éculés: vanité, esprit grégaire, instinct de lucre et de gloriole« .

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