La Réalité
Si une donnée échappe à tous, ici, c’est bien la Réalité. Elle leur apparaît tantôt insaisissable, tantôt inconstante : ils la traversent sans trop rencontrer de résistance, elle leur file entre les doigts. Mais la Réalité a aussi le pouvoir de se ramasser brutalement pour leur asséner des coups décisifs. Passant sans transition de l’insignifiance à l’omnipotence, elle s’impose comme leur reflet exagéré : le tout est l’inversion exaltée du rien.
Chacun est alors tenté, soit de nier la Réalité, avec les risques que cela comporte, soit de la diviniser, en lui conférant un statut totalitaire : c’est le docteur ZÄHNER qui, dans l’Albanie stalinienne du Caméléon, finit par éprouver de l’amour pour son patient, Enver HODJA, ce dictateur qui contrôle chaque rouage du pays, après avoir commencé en dandy coupé de la Réalité ; c’est CHAMFORT qui s’engage corps et âme dans la Révolution pour échapper à sa foncière ambiguïté, avant de se donner la mort ; c’est COCTEAU qui fuit toute sa vie , à travers l’écriture et l’opium, une Réalité à laquelle il est incapable de donner corps; ce sont les imposteurs et les transformistes de Qui dit je en nous?, qui s’inventent d’autres personnalités faute de voir dans la Réalité autre chose qu’un théâtre d’ombres; c’est le narrateur de Qu’as-tu fait de tes frères, de Brèves saisons au paradis et de je ne voulais pas être moi qui espère trouver, dans la révolution puis l’amour, une alternative stable au monde réel.
>> Icônes
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